Sommaire troisième roue
« ET si on partait en Mongolie ? »
 
Celle-là mon papa l’attendait un peu. Il faut dire que c’est de sa faute, il m’a abonné aux « Voyages de Charlie » et le numéro 13 parlait justement de la Mongolie. Le désert de Gobi était décrit comme un des plus chauds de la planète et moi, depuis qu’on est allé dans le Sahel, j’aime bien les déserts !
 
Alors j’ai discuté ferme avec mon papa - qui voulait passer les vacances à Saint Jean de Monts - pour qu’il accepte de venir avec moi faire un petit tour en Mongolie histoire de voir s’il y a toujours des chevaux et les yourtes qu’on avait vu dans le livre.
 
Mon papa, il a bien vu qu’il y aurait pas moyen de me faire changer d’avis, alors il s’est résigné. Il a préparé les vélos et les sacoches. Et oui parce que maintenant, je pédale ! J’ai ma troisième roue à moi, bien attachée derrière le vélo de mon papa. On l’a testée l’hiver dernier en Afrique du Sud et comme le test a été concluant (pluie, tempête et boue, l’horreur…, faut pas que mon papa écrive ses mémoires, personne ne voudra jamais croire tout ce que je lui ai fait subir !).
 
Bref, on a acheté les billets, vérifié les vaccins et début juillet, nous étions à Oulan Bator, capitale de la Mongolie. Après 4 heures d’acharnement à l’aéroport pour péter l’antivol du vélo qui était fermé et dont papa avait oublié les clés à Roissy, nous avons pu faire nos premier kilomètres.
 
Nous nous sommes retrouvés en pleine fête nationale du Naadam. Le Naadam, c’est un grand festival où se disputent les trois sports nationaux : les courses de chevaux, le tir à l’arc et la lutte. Ca se passe dans le grand stade d’ Oulan Bator dont la pelouse est tondue une fois par an (pour le Naadam) et dont la piste défoncée est plus praticable à cheval qu’à pied…
 
Le Naadam c’est très folklorique. Les participants sont habillés de très beaux vêtements de soie et de chapeaux très typiques. Les touristes sont là en masse et les caméras du monde entier aussi pour ramener des images à des émissions style « Nicolas Hulot ». Pourtant  c’est pas trop passionnant pour les néophytes. Les courses de chevaux se disputent dans la poussière et comme la majeure partie des spectateurs sont eux aussi à cheval on n’y voit rien. La lutte voit s’affronter de beaux bébés de 120 à 150 kg de graisse qui s’observent très longtemps avant qu’un des deux n ‘arrivent à se vautrer sur l’autre. Seul le tir à l’arc est époustouflant. Avec un vent de coté force 1000 (au moins…), les archers, et archères, réussissent presque à tout coup à atteindre une toute petite cible située au ras du sol à plus de 50 m !
 
Oulan Bator est une ville de béton.  Y habiter c’est avoir le choix entre l’immeuble style HLM année 60 ou la banlieue de Yourtes. La maison particulière est une notion inconnue
Pour la nourriture, on nous avait dit : « Amenez votre nourriture, là-bas y a rien à manger », et bien ça commence à devenir faux dans la capitale. On commence à y trouver un peu tout pour la nourriture, jusqu’à des fruits frais vendus sur des étalages à même les trottoirs.
 
Bref, après deux jours de Naadam et de préparation et remplissage des sacoches, nous avons largué les amarres sud-est pour tenter de rallier Pékin à travers le Gobi. (Gobi ça veut dire désert, alors évitons de dire le désert de Gobi !). 25 km d’asphalte et tout de suite la steppe et sa multitude de pistes.
 
Mon papa m’avait dit :  « Y a pas de route mais on pourra pas se tromper puisqu’il suffit de suivre la voie ferrée jusqu’à Pékin », c’est un malin... Sauf qu’en quittant Oulan Bator on n’a pas dû suivre la bonne voie ferrée et on s’est retrouvé plein est, à plus de 25 km de la bonne piste, au bout de 50 km de vélo ! On a accroché la boussole sur la sacoche avant et on a décidé de ne plus se fier qu’à elle.
 
La première nuit s’est donc passé près d’une yourte, complètement égarés. Une vieille femme nous a apporté le lait. Mon papa m’a dit qu’il fallait goûter pour faire plaisir. J’ai goûté… et je n’en ai plus bu jusqu’à la fin du voyage ! Le lait est souvent caillé, rance, enfin abominable à tout palais européen. Mon papa a continué de faire plaisir…, il est un peu maso !
 
Deux choses frappent chez les Mongols. La première, c’est leur grande pauvreté, ils vivent du produit de leur troupeau, mangent le lait, la viande de leurs animaux et se chauffent à la bouse séchée (en çà, ils nous ont beaucoup rappelé les Masaïs). La seconde, c’est leur gentillesse et leur simplicité dans l’accueil. Pas une yourte où on ne nous ait pas invité à prendre le thé ! Comme tout asiatique, rien ne les étonne. Voir arriver un équipage comme le nôtre n’a jamais fait éclater de rire quiconque ni fait fuir le moindre enfant (comme en Afrique). Nous avons réussi à dialoguer sans problème malgré la barrière de la langue, il suffit de faire plein de gestes, ou de dessiner sur le sol, et ils font de même sans difficulté. Cette facilité n’existera plus du côté chinois…
 
Pour le couchage, il faut s’arrêter près d’une yourte et planter la tente. En effet, planter au milieu de la steppe, ça peut être un peu dangereux car comme il n’y a pas toujours de piste très claire, les rares camions qui la traversent la nuit peuvent rouler n’importe où !
 
Le vrai problème, c’est l’eau et le ravitaillement. L’eau, ça va parce qu’on la filtre, mais la nourriture, il vaut mieux ne compter que sur soi ! Il faut toujours avoir trois à cinq jours de nourriture dans les sacoches. Les distances entre deux villes se compte en centaines de kilomètres et ce qu’un Mongol appelle une ville ressemble à un hameau abandonné.
 
De yourtes en yourtes, de collines en steppes, le 4 ème jour nous avons fait une merveilleuse pause dans un minuscule village au bord de la voie ferrée qui sert de poste d’eau pour les locomotives. C’est le seul village mongol ou nous aurons mangé correctement, sans doute grâce à un trafic de marchandises un peu douteux… La soirée a été géniale parce qu’on a appris que la France avait gagné la coupe du monde de foot. J’ai sorti mon ballon de foot de mes sacoches et on a joué toute la soirée avec les enfants du village. C’était bien parce que les enfants, ils ont tous des énormes bottes qui sont pas du tout pratique pour courir, alors pour une fois je courais presqu’aussi vite que les autres ! Mon équipe a perdu, mais on s’est bien marré !
 
Dans ce village, on a pu faire une chose qu’on ne pourra faire que 2 fois en Mongolie : se laver. Parce que l’eau est rare, les Mongols ont appris à se passer de toilette, la crasse est souvent plus que visible sur eux mais ça n’a pas l’air de les gêner outre mesure. Mon papa, lui il a trouvé çà très dur de pas pouvoir se laver après des journées de vélo sous le soleil ! Moi, je ne m’en plaignais pas trop… pour une fois que j’avais une excuse pour pas faire ma toilette !
 
Au bout de 7 jours, dont le dernier sans quasiment manger car on avant épuisé les réserves, nous sommes arrivés à Sainshand, principale ville du désert de Gobi. On a pu laver les vêtements et reremplir les sacoches. On a su plus tard qu’on a dû tomber sur une bonne journée : il y avait de l’eau aux robinets…
 
A partir de Sainshand et jusqu’à la frontière chinoise, la route est très dure, parfois très ensablée, quelques belles grimpettes, parfois impraticables à cause de la boue (la moindre pluie transforme le paysage en un marécage fangeux). Avec un peu de chance, et beaucoup d’acharnement, nous avons réussi à atteindre le poste frontière mongol. La dernière étape a été constituée de 70 kilomètres de tôle ondulée intégrale. Impossible de rouler à plus de 6 kilomètres/heure sur une grande portion de cette route, on avait les fesses en marmelade et les rayons arrières de mon papa lâchaient les uns après les autres avec des claquement sinistres…
 
La traversée de la frontière nous a pris la journée. Des cyclos-voyageurs  nous avaient dit qu’on passerait pas à vélo, mais pire qu’une mule, mon papa a voulu tenter quand même. On a fait deux sittings devant les barrières, on s’est engueulé avec tous les douaniers de la région, et à 17 heures, on s’est résigné à monter dans un minibus  rien que pour nous, payable en dollars, qui nous a fait faire les cinq kilomètres qui séparent les deux villes de chaque côté de la frontière.
 
Enfin, deux villes… Disons que d’un coté il y a un village mongol et de l’autre une ville chinoise. Mon papa m’avait prévenu qu’il y avait plus de monde en Chine qu’en Mongolie, c’est vrai… On a l’impression que le moindre village fait tout de suite 200 000 habitants !
 
Côté chinois, aucun problème de nourriture, on a pu garnir les sacoches et trouver des tas de petits restaurants pas chers et bons.
 
On n’a jamais dormi dans les hôtels sauf à Pékin. De toute façon, dormir dans un hôtel, c’est la meilleure façon de se faire mettre manu-militari dans un train par la police qui n’aime par trop la liberté des cyclistes, alors on a souvent fait du camping sauvage dans des petits bosquets, ou en bordure des champs.
 
Ca ne nous a pas empêchés de nous faire attraper dans un village. Nous avons été conduits au poste de police et les policiers nous on invités à manger et offert une chambre. Ils attendaient le responsable militaire de la région qui arriva à 21h avec un traducteur. On a alors appris qu’on était sur une route « non ouverte ». Mon papa avait peur qu’on nous oblige à faire demi-tour mais finalement, peut-être grâce à moi, ils ont écarté l’hypothèse de l’espionnage pour celle du tourisme et nous ont laissé continuer le lendemain matin, avec ordre de passer dans les poste de police et de dormir à l’hôtel. Mon papa, il avait pas dû bien comprendre, parce qu’on a continué à camper !
 
En Chine, les gens sont plus compliqués qu’en Mongolie. Ils croient que tout le monde parle le Chinois et comprend leur écriture. Ils nous ont rempli des pages d’écriture pour nous expliquer les routes à prendre au lieu de faire des dessins. Nous, la seule chose qu’on a compris au bout du compte c’est à reconnaître les symboles « Homme » et « Femme » parce que c’est marqué sur les toilettes publiques. En Chine les toilettes publiques se voient de loin grâce  au nuage de grosses mouches qui vit autour . Pour reconnaître le côté homme si vous ne savez pas lire le chinois, il suffit d’aller du côté ou il y a des cigarettes écrasées… Le plus propre pour nous était quand même de faire nos besoins dans la campagne, car c’est vraiment trop sale.
 
Ce qu’il y avait d’étonnant, c’est qu’on a pas réussi à trouver un seul endroit où on ne nous ait parlé de « Zidané » dès qu’on savait qu’on était français. « Zizou » nous aura accompagnés tout au long de cette aventure !
 
Après 1400 km de vélo parcourus en 20 jours exactement, un franchissement de la Grande Muraille dans un brouillard épais, nous sommes enfin arrivés devant la cité interdite. C’est un peu un piège à touristes mais ça se visite et on prend une sacrée leçon d’histoire ! Le mieux dans la cité interdite, c’est le jardin d’enfant… il y a un super trampoline !
 
Nous avons passé quatre jours à Pékin à découvrir les temples et les jardins, à nous remplir l’estomac dans les nombreux Macdo de la capitale (plus de 40 !), à regarder les gens faire de la gymnastique au petit matin ou faire voler des cerfs volants. Bref, nous avons joué les touristes (toujours à vélo, l’honneur est sauf !) et ça faisait du bien.
 
Et puis, comme à chaque fois, il a fallu retourner à l’aéroport et recommencer l’empaquetage des vélos avant de revenir à la maison. Comme à chaque fois il nous restera cette tristesse des rencontres inachevées, trop vite passées le long des pistes, des soirées trop courtes avec des amis d’un soir, de ces moments qui font qu’on oublie que le monde est parfois si triste et où on comprend enfin ce que veut dire le mot HUMANITE !
 
Enfin, c’est pas grave, parce qu’on y retournera un jour !
 
…Hein, papa ?
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