Entraînement
 
Pour l'entraînement à la SRMR 2018, j'ai décidé cette année 2018 de reparticiper à la Normandicat et au BTR, deux très bonnes mise en jambe. La deuxième édition de cette Normandicat fut épique et m'aura laissé quelques marques indélébiles...
En mémoire de Mistigri,
écrasé sur une route de campagne…
 
A la Normandicat, c’est moi qui ai eu le chat !
 
Récit d’un 900 km pris un peu trop à la légère et néanmoins réussi, ou comment j’ai évité la déroute totale, pris en sandwich entre de vrais pros et une multitude de bras cassés et de branquignols  comme moi…
 
Voilà, je suis à Saint Vigor le Grand. J’avais tellement peur d’être en retard que je suis six heures en avance, ça va me laisser du temps pour gamberger et préparer le vélo. J’ai en effet acheté un train de pneus neufs pour remplacer mes actuels qui ont fait la TCR et ont chacun  maintenant près de 15 000 km. Ils n’ont pas l’air totalement usés mais je n’ai pas envie de prendre des risques alors la Normandicat se fera rechapé de neuf. Le GPS aussi est neuf, un Garmin 1030 qui vient remplacer mon vieux 1000 qui refuse désormais de se recharger sur le vélo.
 
Pendant que je m’étale autour de ma voiture, un autre concurrent, belge, Christian, venu lui aussi un peu en avance vient discuter. Il a l’air costaud mais a besoin de se rassurer car c’est la première fois qu’il participe à ce genre de challenge.
Petit à petit, les concurrents arrivent. Chouette impression par rapport à l’an dernier où nous étions cinq au départ (et deux à l’arrivée…) que de voir débarquer des cyclistes de Suisse, Belgique et même de France. Certains ont encore leur maillot de leurs dernières aventures, TCR, TAW, etc… bref du beau linge.
 
De magnifiques vélos commencent à s’entasser dans la salle que Xavier, l’organisateur, nous a ouverte vers 19 heures. Après m’être inscrit, je circule parmi les concurrents pour discuter un peu des stratégies. La Normandicat a ceci de génial qu’il n’y a pas de parcours, seulement un point de départ, qui est aussi l’arrivée et des checkpoints, lieux de passage obligatoires. On part, on passe chaque checkpoint et on revient, la mission est simple ! Elle requiert donc pas mal de travail de préparation puisqu’il faut optimiser son trajet, ordonner les checkpoints, choisir les meilleures routes, (les plus courtes ou les moins pentues ?) et le sens horaire ou antihoraire de la boucle qui, en fonction des vents dominants, peut s’avérer le choix le plus déterminant.
 
Un travail intense de préparation que je n’ai pas fait, débordé par le travail, ce que je regretterais pendant près de 960 km…
 
L’atmosphère est bon enfant et les profils divers : des vieux routards du PBP venus s’essayer au Bike-Packing, des plus jeunes ou moins expérimentés qui rêvent de longues distances, des anglaises qui ont fait la dernière TCR… On est encore à discuter taille de pneus quand sonne l’heure du départ.
 
Fébriles, il est 22 heures, la nuit est tombée et la volée de moineaux prend son envol. Nous sommes deux couillons sur le parking, Christian et moi, les GPS en rade, en train de se demander dans quelle direction partir. A pile ou face, je me lance à la poursuite d’un groupe et il me suit. Au bout de quelques kilomètres, je réalise que j’ai discuté avec certains de ceux que je pourchasse et qu’ils m’avaient dit vouloir effectuer le parcours en sens anti horaire… alors que nous l’avons prévu dans l’autre sens. On s’arrête, on essaie de relancer les GPS, nos deux Garmin 1000 se bloquent à 80% -définitivement. On enclenche les GPS de secours et en attendant, je fais appel à mes souvenirs de la précédente Normandicat pour nous emmener du bon côté de Bayeux et enfin trouver la trace. On a déjà perdu un gros quart d’heure. Mon GPS 1030 me dit que c’est bon mais cherche à nous engager sur le premier chemin de terre qu’il trouve… c’est là que je me souviens que je m’étais promis de ne plus jamais faire confiance au calculateur d’itinéraire en mode vélo, car pour lui un vélo c’est un VTT… Je me l’étais promis, mais j’ai oublié cette promesse en préparant -trop vite- l’itinéraire de l’épreuve !
 
Je réalise que ce n’est donc que le début de la galère qui va m’emmener de chemins de terre en chemins de terre au gré des raccourcis astucieux calculés pas ce crétin d’ordinateur…  En attendant, avec Christian, nous décidons de faire GPS commun jusqu’à Jumièges, premier CP, 130 km plus loin et donc de ne se séparer qu’au petit matin pour aller chacun notre train.
 
Ca fait 15 kilomètres que nous roulons bon train, entre 28 et 30 kilomètres heure sur de petites routes quand Christian crie « Attention un chat », s’écarte… et le matou est sous ma roue. Le vélo décrit un soleil parfait et je me ramasse comme une merde. Je compte mes os tandis que Christian redresse mon vélo. Une voiture s’arrête dans la nuit pour proposer son aide mais, après avoir tâté un peu partout, comme il me semble être entier et que le vélo, à part un porte bidon, n’a rien, je décide de repartir.
 
Je n’ai effectivement rien de cassé mais  ça a bien frotté et ça fait mal. Je laisse finalement partir Christian à l’occasion d’une pause pipi et réduis la cadence. J’ai frotté tout le côté gauche, la hanche est en sang, le genou et le coude guère plus avenants et mon épaule doit être luxée car j’ai un mal de chien (de chat ?) à lever le bras. Mais bon, qui a besoin de lever le bras pour faire du vélo ?
 
C’est au petit matin à Jumièges, devant les ruines de l’abbaye, que je pourrais admirer mes plaies à la lumière car le soleil se lève quand je passe mon premier CP. Tant qu’elles ne m’empêchent pas de pédaler, je préfère rouler et le plaisir venant, les douleurs s’estompent. La journée va voir défiler encore deux checkpoints, Neufchâtel -en-Bray puis Lyons-la-Forêt.
 
Là, je croise des rapides qui ont visé d’abord le sud et en sont déjà à leur cinquième checkpoint… psychologiquement ça fait un peu mal mais il en faut plus pour me décourager. Je repars vers Bernay et j’ai délibérément choisi de me taper la nationale en souvenir du premier 200 km de ma vie qui m’avait vu partir du Mans pour rejoindre le Pont de Tancarville en passant par Gacé et Bernay. La route est chiante à se pendre mais on avance au plus court malgré un vent peu favorable et je pointe à Bernay à 19h. Le checkpoint de Saint Céneri-le-Gérei à mi-parcours, soit 450 km est atteignable dans la nuit. Avec un peu de chance il me semble réalisable aux 24h de course.
 
Et c’est là que mon GPS va décider de m’éviter de la jouer trop facile. A une trentaine de kilomètres « à vol d’oiseau » de St Céneri, il décide de me faire prendre un raccourci par la forêt, quelques côtes à 25%, des sentes boueuses, de plus en plus boueuses et quand je réalise que je suis perdu dans la forêt, il fait nuit, j’ai perdu ma frontale et mon phare avant qui n’éclaire que si je roule s’éteint définitivement pour me dire qu’il désapprouve le fait que je marche à 3 km à l’heure sur des pistes que mon GPS s’acharne à décréter « asphaltées ». Bref, à 23h, crevé, je décide de dormir là et d’attendre le jour. Je mange une barre de céréales en guise de repas, colle mon vélo contre un arbre et à tâtons, installe mon couchage (tapis de sol et duvet) comme je peux et décide de profiter de cette douce nuit.
 
Pour arranger le tout, la température, promise par Météo France autour de 10° la nuit, tombe entre 3 et 4°. Heureusement, je me suis couché tout habillé, ce que je ne fais quasiment jamais, mais là, ma blessure à la hanche a tellement saigné que mon cuissard est incrusté dans la plaie et il m’est impossible de le retirer… même pour aller aux toilettes ! Finalement je passe une nuit un peu agitée mais je me réveille aux aurores, plutôt frais.
 
Je découvre à la lumière que ce coin de forêt est presque roulable et repart au pif à la recherche d’un bout de route asphaltée. A 7h 30 je suis enfin sur une trace potable et à 20 km de St Céneri. Je croise Fanny et un collègue qui font le parcours dans l’autre sens, ils sont largement en avance sur moi, d’autant que le vent leur aura été finalement beaucoup plus favorable dans ce sens. Ce seront les deux seuls concurrents  du 900 que je croiserais jusqu’à la fin… La Normandicat est un plaisir solitaire.
 
Je pointe à Saint Céneri puis fonce vers Clécy que j’épingle vers 13h. J’ai l’espoir de passer Granville en soirée et de dormir à la Hague, voire même de continuer puisque ma nuit précédente dans la forêt me permettrait sans doute d’attaquer une seconde nuit blanche.
 
Je passe en effet Granville comme prévu mais mon GPS décide de nouveau de me pourrir la nuit et me perd totalement à mi-chemin entre Granville et la Hague… Je vais passer trois heures dans la nuit (de 22h à 1h du matin) à tourner en rond, sans repère, avec un GPS qui me propose une direction quand je suis arrêté, une autre dès que je monte sur le vélo et veut désespérément que j’emprunte prioritairement des sentiers pédestres et caillouteux. Le moral est au plus bas quand je retrouve la route de la Hague mais il est près de 3 heures du matin et il me reste 50 km pour atteindre le checkpoint. La température est proche de 0° quand une sorte d’abri de forêt me propose de m’arrêter. Comme une bruine démarre, je décide que trop c’est trop et pose mon duvet dans cet abri providentiel. Je passe 4 heures horribles, à chercher une position dans le froid - je ne peux pas me mettre sur mon côté en sang - et avec le bruit permanent des hirondelles et de leur couvée piaillante qui avaient élu domicile dans la charpente. A 6 heures, j’émerge, j’ai mal dormi, j’ai faim et le duvet est couvert de guano. Une belle journée s’annonce ! Je roule mon sac de couchage comme je peux avant de remonter, gelé, sur le vélo.
 
Je croise un ou deux candidats du 400 qui ont dû voir le cap au soleil levant et je pointe vers 8 heures au phare. Je repars aussi sec pour Saint Vaast La Hougue que je connais par cœur et j’y passe à midi, heure à laquelle j’avais initialement rêvé d’en avoir terminé…
 
Après Saint Vaast, le GPS m’envoie de nouveau explorer les chemins de terre, alors je décide de ne plus m’y fier et de demander mon chemin car je ne veux plus que rouler sur de l’asphalte et rentrer en empruntant la route qui longe la quatre voie qui va de Cherbourg à Bayeux. La méthode est moins pratique qu’un GPS ou une carte car il faut trouver des gens du coin, qui parlent français, qui sachent se repérer et expliquer un itinéraire. J’en ai tenté plusieurs et ai fini au syndicat d’initiative de Sainte Mère l’Eglise où une accorte guichetière m’a plutôt pas trop mal renseigné. A 14 heures, il me restait 50 kilomètres à faire, j’étais sur la bonne route et à part le vent de face, rien ne semblait devoir gâcher la fête. C’était sans compter sur la météo qui pour couronner le tableau, a décidé de gratifier la fin de course d’une pluie battante.
 
Si cette pluie a découragé nombre de concurrents du 200 et même du 400, elle n’aurait pu arrêter ceux du 900 qui, s’ils n’étaient pas déjà arrivés, avaient tous déjà parcouru au moins les trois quarts de la course…
 
Et c’est trempé jusqu’au fond du cuissard et des chaussures que vers 17h j’arrive à la salle des fêtes de Saint Vigor. Je ne suis pas quelqu’un de particulièrement souriant et les photographes ne sont généralement pas emballés par ma photogénie… mais j’ai moi-même été étonné de voir combien sur les photos d’arrivée j’ai l’air d’un homme heureux.
 
Il me faudra pas mal de temps le soir à l’hôtel pour réussir à sortir de mon cuissard encastré dans ma plaie et plus de 3 semaines de pansements et d’anti inflammatoires pour arriver à remonter sur un vélo… mais la Normandicat le valait vraiment.
 
Merci à Xavier pour consacrer beaucoup de temps à l’organisation, à tous les bénévoles pour leur gentillesse et leur efficacité et à tous les concurrents qui ont joué le jeu et j’espère reviendront encore plus nombreux l’an prochain. Pour ma part je ne me pose pas la question, La Normandie est si belle qu’elle vaut bien d’y revenir une fois chaque année !
 
Et promis, l’an prochain je calculerai mieux mon itinéraire… et je prendrai une bonne vieille carte en papier.
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